Blog de la folie ordinaire



mardi 15 juin 2010

Les Alévis, des croyants en quête de laïcité

Ils s'inspirent du Coran mais ne respectent pas les cinq piliers de l'Islam. Ils vénèrent Ali, oncle du prophète Mahomet, également adoré par les chiites en tant que premier Imam. Ils sont Alévis et représentent au moins un quart de la population turque. A Maltape, chaque jeudi, tous se retrouvent à la Cem Evi, la salle de prière alévie.


Sur les hauteurs de Maltape, quartier de la rive asiatique, un bâtiment se détache. En cette fin d’après-midi, l’agitation est grande autour de la Cem Evi, littéralement « les lieux où l'on est ensemble ». La salle de prière est ronde. Douze piliers la soutiennent. Un pour chaque imam. Sur chaque mur, dans chaque couloir, le portrait d’Ali est présent. Un Ali qui ressemble à un Christ dans un style quelque peu naïf et sans grand génie que l'on retrouve dans l’imagerie des mosquées chiites. Dans un pays largement sunnite, il est rare de trouver ce genre de lieu. En Iran, pays chiite, ils sont beaucoup plus fréquents. Mais ici, pas de tchador ni de voile islamique. Les cheveux sont lâches. Et le regard des femmes est fier. Pendant la prière, hommes et femmes sont côte à côte. Ils dansent et chantent ensemble. Parmi eux, Maria, s’est glissée au fond de la salle. Cette grand-mère qui frise les 80 printemps porte le voile des paysannes. Un voile culturel et traditionnel qui n'a pas la même signification que le voile religieux.



Vingt à trente pour cent des turcs ne pratiquent pas l'Islam sunnite, dont ils apprennent pourtant les préceptes dans les écoles. Ils s'inspirent du Coran mais ne prient pas cinq fois par jour et ne vont pas en pèlerinage à la Mecque. Leur ramadan se limite aux douze jours de Muharrem. Ils n'ont ni Imam, ni école coranique, mais des de-de, sorte de maîtres spirituels qui transmettent les traditions et les croyances de la communauté. La consommation d'alcool n'est pas prohibée. Les cinq prières quotidiennes sont remplacées par une unique prière, hebdomadaire. Religion à part entière, branche de l'islam ou simple philosophie de vie? La nature de l'Alévisme fait débat au sein même de la communauté et n'a jamais vraiment été tranchée. Certains se disent même athées.



Un syncrétisme longtemps réprimé
La tradition Alévie, largement répandue en Anatolie, se transmet de père en fils depuis plus d'un millénaire. Issu du chiisme, l'alévisme mêle des éléments spirituels et rituels chrétiens et chamaniques (culte des pierres, de l'eau et des arbres). Un syncrétisme qui se marie mal avec le sunnisme dominant. Deuxième communauté de croyants en Turquie, les Alévis ont toujours été en conflit avec l'Etat, même s’ils ont parfois constitué son élite. Les janissaires, le corps d’élite de l’armée ottomane, étaient composés de jeunes chrétiens fait prisonniers dans les Balkans et convertis à l’islam. Ils retrouvaient des principes proches de leur religion d’origine dans l’alévisme ou le Becktachisme, un mouvement fondé au XIIIème siècle par Haci Bektash et très proche de l'alévisme.
Longtemps considérés comme des hérétiques, les Alévis ont connu la répression et les massacres jusqu'au milieu du XXème siècle. La pratique clandestine de leur rituel a alimenté les fantasmes les plus sordides. « Quand on priait, on avait peur, quelqu'un faisait le guet » se souvient Maria, originaire d'un village du Sud-Est, qu'elle a quitté en 1977 pour fuir la répression. A son arrivée à Istanbul, la chape de plomb s'est desserrée: «A ce moment là, on se retrouvait tous pour prier à la maison du De-de ».



A partir des années 1980, de nombreux Alévis sont sortis de l'ombre pour imposer leur existence et leurs revendications sur la place publique. Quelques années plus tard, en 1992, Izzetim Dogan, a fondé la Cem Vakf, devenue la plus importante association alévie de Turquie. « Les Alévis ne sont pas une minorité! A l'origine, ils étaient même les plus nombreux. Beaucoup se sont convertis, d'autres ont été tués. Mais aujourd'hui nous voulons vivre dans un Etat véritablement laïc!». Les premiers signes d'ouverture sont apparus après la guerre d'indépendance de 1922. Au fil des ans, l'Etat turc s'est montré plus tolérant. « Aucun parti ne peut se passer du vote de 25 millions de personnes » ironise Izzetim Dogan. Et à Maltape, comme dans beaucoup de municipalités, les pouvoirs publics tolèrent désormais la présence des Cem Evi. Pour Hasan Harabat, le de-de du quartier, ce n'est pas suffisant. « Le gouvernement verse un salaire aux imams. Nous, nous devons encore payer nos factures d'eau et d'électricité. Maintenant, nous vivons notre religion librement mais l'égalité et la laïcité sont un leurre ». Terreau électoral de la gauche, ils demandent une application à la lettre de l'égalité et de la laïcité inscrites dans la Constitution.



Des prières en chants et en danses
La prière commence à la Cem Evi. Au dernier rang, les femmes les plus âgées ont préféré les chaises en plastique pour affronter les trois longues heures de rituel. Parmi elles, Maria, qui semble déjà ailleurs. Au centre, sur les coussins disposés en cercles, les enfants s'agitent avant de retrouver les genoux de leurs mères assises en tailleur. L'atmosphère est familiale. Avant la cérémonie, les femmes ont enfilé de longues jupes et noué des voiles colorés sur leurs cheveux détachés. Les jeunes hommes qui discutaient de football avant les prières ont rejoint les vieillards. Hommes et femmes prient ensemble, en chantant les dayis. Et dansent ensemble. Au rythme du baglama ou saaz, un instrument proche du luth venu d'Anatolie, ils réalisent le sema, une ronde censée mettre ses participants dans un état de transe.

Au fond de la salle les deux De-de jouent les maîtres de cérémonie. Derrière eux, trois portraits trônent : Ali au centre, Haci Bektash, et Mustafa Kemal Atatürk, le père d'une République qui se veut laïque et qui fit des alévis des citoyens comme les autres, au moins sur le papier. Mais la peur reste. Le souvenir des massacres de Sivas, où 37 intellectuels alévis sont morts le 2 juillet 1993 est encore dans toutes les têtes.




Une communauté nationaliste et féministe?
L'alévisme est un syncrétisme musulman qui plonge ses racines dans les religions traditionnelles des peuples turcs. Ils se distinguent notamment de l'Islam dominant par une conception des rapports hommes-femmes très particulière. «Ce qui montre l'avancement de la démocratie, c'est la place de la femme dans la société, estime Izzetim Dogan. Chez les Alévis, les hommes et les femmes ont toujours été égaux. La femme joue même un rôle dominant ». Une posture moderne dans un pays gouverné par un parti islamo-conservateur. « Nous n'avons pas de règles strictes. On est très libres, les hommes autant que les femmes » explique un De-de. L'alévisme est avant tout centré sur l'homme. « Ma pierre noire c'est l'homme » disait un grand poète alévi évoquant l'objet le plus sacré des musulmans, la pierre noire de la Mecque. Lorsqu'un homme meurt, c'est l'ainé, même si c'est une fille, qui prend la relève. Une conception égalitaire qui a toutefois ses limites: quand une femme alévie se marie avec un sunnite, sa famille rechigne à la laisser partir, craignant qu'elle n'hypothèque ainsi sa liberté. « Dans un verset du Coran, il est dit que le paradis est sous les pieds des mères », sourit Izzetim Dogan.

(Article réalisé avec Aurélie Darbouret)

lundi 14 juin 2010

Minorités : grandeur et décadences



Expropriations foncières ou discriminations à l’emploi. Malgré un statut théoriquement protecteur et une présence millénaire en Turquie, les minorités sont considérées comme des « citoyens de seconde zone ». Une situation qui tend à s’améliorer.


C’est avec un sourire enfantin que Dany Kohen, étudiant juif, la vingtaine, se rappelle ses camps d'été. Cours d’hébreu, lecture de la Torah, mais surtout « beaucoup de nouveaux amis gagnés à la fin de l’été ». Sorte de kibboutz ou de « summer camp » à la turque, ce voyage initiatique qu’effectuent au moins une fois tous les jeunes juifs stambouliotes permet de souder la communauté. Ils étaient près de 120 000 au début du siècle, ils ne sont plus que 23 000 aujourd’hui. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir vu leurs effectifs diminuer comme peau de chagrin. Réduits à 3 000 âmes aujourd’hui en Turquie, les Grecs orthodoxes essayent, eux aussi, de préserver les vestiges d’une grandeur passée. Mihail Vassiliadis, rédacteur en chef et unique employé du quotidien Apoyevmatini, s’efforce de ne pas traduire en turc son journal « pour que la langue grecque continue de vivre chez les jeunes générations ». Bien que plus importante (60 000 personnes) et plus médiatisée, la communauté arménienne est elle aussi en déclin dans la Turquie du XXIème siècle. Luiz Bakar, porte-parole du patriarcat arménien déplore que même ses petits-fils ne maîtrisent pas sa langue d’origine.


"Citoyen de seconde zone"
Ces trois communautés ne partagent pas qu’un sentiment de déliquescence. Elles jouissent aussi du même régime juridique. A l’instar du modèle jacobin français qu'elle a adopté, la Turquie ne reconnaît pas ses minorités. Sur les 46 présentes dans le pays, seules ces trois communautés historiques non-musulmanes ont reçu le statut de « minorités » lors de la signature du Traité de Lausanne en 1923. Celui-ci prévoit, en plus d'une citoyenneté à part entière, une autonomie de leur organisation religieuse et de leurs écoles. En théorie... Car en pratique, l’application de ce traité, presque centenaire, a toujours laissé à désirer. Métiers interdits dans les années 1930, impôts plus élevés que pour les musulmans en 1942, tracasseries administratives et postes de pouvoir inaccessibles encore aujourd'hui,... les exemples abondent. Ahmet Insel, politologue spécialiste des minorités, va jusqu’à évoquer des « citoyens de seconde classe ». Prises en étau entre un nationalisme agressif et un islam omniprésent, les minorités souffrent d'être considérées « comme des étrangers, voire comme des ennemis de l'intérieur ». Et pour preuve, c'est au ministère des affaires étrangères qu'atterrissent bien souvent leurs doléances.
Dès 1923, la « Turquisation » de la République mise en place par Atatürk a impliqué le retour dans le giron de l’Etat des richesses des non-musulmans, quitte à recourir à des procédés saugrenus. « Dans les années 1930, l'Etat turc a utilisé un subterfuge juridique pour récupérer des églises enregistrées sous des noms de Saints, explique Emre Okten, professeur de droit à l'université de Galatasaray. L'archange Gabriel, la vierge Marie ont été déclarés morts et sans héritier par les avocats du Trésor et leurs biens sont passés aux mains de l'Etat. » La pratique a duré une décennie avant que des parlementaires ne dénoncent le montage juridique. Mais les confiscations n'ont pas cessé.


Un des cas les plus emblématiques de ce processus de spoliation est celui de l'orphelinat grec qui agonise depuis trente ans au sommet de Büyük Ada, la plus grande des îles des Princes. Situé au milieu d'une forêt, le bâtiment a été récupéré en 1971 par l'Etat sous prétexte qu'il ne respectait pas les normes anti-incendie. Depuis, le monastère Saint-George se bat pour sa restitution alors que l'Etat laisse le bâtiment se détériorer.
Aux monastères et aux églises, se sont ajoutés de simples immeubles locatifs, principale source de revenus pour les fondations des minorités. « Lorsqu'une vieille dame décède, elle lègue souvent son appartement à une église ou un hôpital de la communauté, raconte Luiz Bakar. Avec les loyers, les fondations religieuses financent les salaires de leurs professeurs ou de leurs médecins ».


Flou juridique
Depuis une loi de 1936, l'Etat turc s'est approprié des milliers d'écoles, de logements, d'hôpitaux ou d'églises. Il a profité d'un flou juridique sur le statut des fondations en arguant qu'elles n'avaient pas le droit d'acquérir ou de recevoir en donation du patrimoine immobilier. « En 1974, la Cour de Cassation a entériné la confiscation des biens en stipulant que « les personnalités morales étrangères », c'est le terme utilisé, ne pouvaient pas acquérir de biens, explique Emre Okten. Il y a l'assimilation du non musulman avec l'étranger ». Cet arrêt de la Cour de Cassation a entraîné des pertes immenses. Pour les Grecs, 35% de leur patrimoine a été confisqué depuis le début du 20ème siècle. Quant aux Arméniens, ils se battent pour la restitution d'une soixantaine d'immeubles stambouliotes. Mais face à ces spoliations, l'union n'a pas toujours été de mise. Les Juifs, qui s'estiment moins lésés, refusent de faire front commun avec les Chrétiens. Silvio Ovadia, ancien président de la communauté juive de Turquie, justifie cette position de retrait par « la loyauté historique de sa communauté à l'Etat turc ».


Moins revendicative, la minorité juive se réjouit pourtant comme les autres d'une décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme de 2005. Un arrêt qui autorise les communautés arménienne et grecque à récupérer deux bâtiments spoliés. Depuis cette date, le cas fait jurisprudence et a, par exemple, permis à la communauté arménienne de récupérer cinq immeubles à Istanbul. En 2008, le Parlement turc adopte une loi sur les fondations religieuses qui leur accorde des droits plus larges dont celui d'acquérir, de vendre et d'échanger des biens immobiliers. Une loi « satisfaisante mais pas assez » considère Fethiye çetin, une avocate qui défend les institutions arméniennes. Car entre une décision de la CEDH et son application par Ankara, le temps passe... et laisse son empreinte sur les bâtiments. A l'image de l'orphelinat grec de Büyük Ada qui se détériore de jour en jour. Comme l'explique Emre Okten, « l'administration fait de son mieux pour retarder l'application de ces arrêts mais il n'y aura pas d'échappatoire. » Avec l'intégration européenne en ligne de mire, la Turquie doit mettre de l'eau dans son raki. En acceptant l'influence des fondations communautaires, c'est l'existence même des minorités religieuses que l'Etat turc doit envisager.


Précisions du cordonnier


Juifs : Environ 23 000 en Turquie (dont 20 000 à Istanbul), ils étaient 120 000 en 1923. Ils parlent turc, français et judéo-espagnol pour les plus âgés. Un héritage de leur origine géographique : après avoir été chassés d’Espagne et du Portugal à la fin du XVème siècle lors des inquisitions, ils sont accueillis par l’Empire ottoman.


Grecs : Environ 3 000 en Turquie, ils étaient 110 000 en 1960. Ils parlent turc et grec. Cette communauté chrétienne est la première à arriver à Byzance, en 685 avant J-C.

Arméniens : Environ 100 000 en Turquie (dont 70 000 à Istanbul), ils étaient deux millions au début du siècle. Ils parlent turc et arménien. Ces chrétiens sont présents dans l’empire ottoman depuis plus de deux millénaires.


1923: le Traité de Lausanne, acte fondateur de la République turque, accorde des droits protecteurs aux minorités grecque, juive et arménienne

1936: Les fondations des minorités religieuses dressent une liste exhaustive de leur patrimoine. Après cela, elles ne pourront plus

1974: Un arrêt de la Cour de Cassation entérine la confiscation des biens des minorités par la Direction générale des fondations de Turquie.

2005: la Cour Européenne des Droits de l'Homme condamne la Turquie et l'oblige à restituer les biens spoliés

2008: Une nouvelle loi permet aux fondations de jouir pleinement de leur droit de propriété.
(Article réalisé avec Aurélie Darbouret)

samedi 29 mai 2010

« En Turquie, le journalisme n'a plus de goût ».


Rusen Cakir est un ponte du journalisme turc. Diplômé du Lycée Galatasaray, il commence sa carrière à la revue Nokta. Après un passage à CNN Türk, il intègre la rédaction de NTV, première chaîne d'information, en juin 2007. Tous les jours à 11h10, il présente une émission politique avec Mirgün Cabas. Les deux journalistes décriptent l'actualité nationale et internationale. Il nous livre son avis sur l'état du journalisme et de la télévision en Turquie.


Le journalisme est-il complètement libre en Turquie ?


Il y a une grande richesse d’opinions en Turquie. Il y a des journalistes courageux. Mais la prudence reste de mise. L’auto censure dans les médias persiste. La télévision est liée au business et à la publicité. C’est difficile de trouver un titre ou une chaine qui n'est pas engagé. Il n’y a pratiquement que de la presse d’opinion en Turquie. Tout peut être dit. Mais dans des titres bien spécifiques.


Est il facile de critiquer le gouvernement a la télévision ?


Ca dépend des sujets. Pour les médias en général c’est difficle de critiquer les gouvernements. Pas seulement le gouvernement actuel. Les patrons de médias ont tous des affaires commerciales. Ils doivent être en contact avec le gouvernement. (NTV a été rachetée en 1999 par Doğuş Holding, entrprise turque présente dans différents secteurs comme la finance, la construction, le tourisme,... )Si vous êtes critique, il est difficile de décrocher des contrats. Les bons contacts avec le gouvernement sont donc bénéfiques pour les « affaires extérieures » des groupes de médias.


Est ce dangereux ?


Oui, bien sur! C’est difficile pour un journaliste turc d’être objectif et critique. C’est difficile mais pas impossible.


Existe-t-il encore des sujets tabous à la télévision turque ?


Il y en avait beaucoup. Mais au fur et à mesure que la Turquie s’est démocratisée, le nombre de tabou et leur poids ont diminué. Par exemple, on peut désormais parler de la question kurde. Chose impossible il y a quelques années. Il reste cependant des lignes rouges difficiles à franchir comme ce scandale de pédophilie à Siirt, dans le Sud-Est de la Turquie. Le gouvernement n’aime pas que les médias couvrent ce genre d’événement car c’est très choquant. Pendant deux ans personne n’en parlait et ça continuait.


Quel est votre avis sur l’avenir de votre métier ?


(Moue dubitative) Tout est fini. Il n’y a plus de journalisme en Turquie. Quand les jeunes viennent me demander des conseils, je leur conseille de ne pas devenir journaliste et de rester à l’université et de continuer les sciences sociales. Dans le journalisme, tout est au plus bas : les salaires, la crédibilité, les relations entre journalistes.


Pourquoi ?


A cause des patrons qui tiennent les groupes de médias, du manque de syndicats efficaces. Les facultés de journalisme ne fonctionnent pas très bien. Il n'y a pas de conscience d'être journaliste. En Turquie, le journalisme est un secteur qui grandit. Mais comme un légume dopé aux hormones, il grossit et n’a plus de goût.


lundi 3 mai 2010

Première commémoration du génocide arménien à Istanbul

Pour la première fois, samedi 24 avril, sur la principale place d’Istanbul, un hommage a été rendu aux Arméniens massacrés en 1915. Le recueillement a eu lieu grâce à la protection des forces de l’ordre. Un événement inédit en Turquie où l’on récuse l’idée de génocide.

En cette fin d’après-midi, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées quatre-vingt-quinze ans après la rafle de 200 intellectuels, prélude au massacre d’un million et demi d’Arméniens. Un tabou national, alors que la thèse officielle reconnaît la mort de 300 000 à 500 000 Arméniens entre 1915 et 1917.

Artistes, intellectuels, citoyens de tous âges, ils ont répondu à l’appel lancé par la section stambouliote de l’Organisation des droits de l’homme. Sur la place de Taksim, au cœur d’Istanbul, ils se sont assis à même le sol, la plupart vêtus de noir, tenant un œillet rouge ou une bougie dans leur main. En silence, ils se sont recueillis plus d’une demi-heure autour d’une plaque noir qui portait l’inscription : « Cette douleur est notre douleur, ce deuil est notre deuil à tous », avant d’écouter des enregistrements en arménien. Zeynep Tanbay, célèbre danseuse d’origine arménienne, a ensuite lu un texte en hommage aux personnes disparues.

« En 1915, quand notre population était encore 13 millions, 1,5 – 2 millions d’Arméniens habitaient ces terres. [...] Le 24 Avril 1915, ils ont commencé à “être renvoyés”. On les a perdus. Ils ne sont plus. La plupart d’entre eux ne sont plus parmi nous. Ils n’ont même pas de tombes. “La Grande Peine” que la “Grande Catastrophe” (trad. : Médz Yeghern) nous impose sur la conscience ne cesse de grandir depuis quatre-vingt-quinze ans. »




Et pendant que ces paroles résonnaient, les visages, graves et figés, traduisaient l’intensité de cette manifestation. Un émoi accentué par le caractère exceptionnel de la commémoration : « On était un peu stressé durant la prière avec tous ces policiers et les cris des nationalistes, explique un photographe kurde qui s’était joint aux manifestants par sympathie. On était au milieu, à visage découvert, on pensait forcément à Hrant Dink », le journaliste du quotidien bilingue turco-arménien Agos, assassiné en 2007.

Pour éviter que la manifestation ne dégénère, un important dispositif de sécurité a été déployé. Plusieurs cordons de policiers, en civil ou en tenue anti-émeute, protégeaient les manifestants, fouillés avant d’accéder au lieu de recueillement. D’ailleurs les provocateurs n’ont pas manqué à l’appel : une petite centaine de militants d’extrême droite, arborant des drapeaux nationalistes, sont venus briser le silence ambiant.

La tension est montée durant quelques minutes entre les deux camps. « Kurdes, Turcs, Arméniens. Épaule contre épaule face au fascisme » ont répliqué quelques manifestants arméniens. Les plus échaudés ont été ramenés au calme par leurs pairs, tandis que la police maintenait à distance les contre-manifestants, au discours virulent.

Le recueillement s’est achevé par des applaudissements alors que les œillets, lancés dans les airs, venaient recouvrir la plaque noire. Le cortège a ensuite pris la direction de l’avenue Istiqlal avant de se disperser dans la foule très dense ce week-end.

Pour les milliers de badauds qui arpentaient l’avenue ce soir là, cet hommage public touchait à un sujet dérangeant. Les manifestants soutenaient une version de l’histoire bien éloignée de celle enseignée dans les écoles turques.


Texte de Aurélie Darbouret et Sarah Lefèvre

lundi 15 mars 2010

Ambiance de QG : Ch'tristoune

Un bar à moitié vide en face de la gare de Lille, à peine une dizaine de sympathisants dans le vieux troquet « Le lion belge » pour regarder les résultats de la liste Ch’ti. Malgré les tentatives répétées de chacun, impossible de rallier à l’antenne la grosse télé ramenée par une militante. Difficile de regarder les résultats. La neige à l’écran, les images en noir et blanc, et le son grésillant, assourdissant.

Polémique : pas de bulletin de la liste ch’tis à Mons-en-Baroeul


François Dubout, tête de liste des Ch’tis.

Ce matin, dans les bureaux de vote de la commune de Mons-en-Baroeul, les électeurs n’ont pas pu glisser de bulletin de la liste ch’ti dans leurs enveloppes. Pendant près de quatre heures, aucun bulletin de cette liste sur les tables. Où sont passés les 10.000 bulletins de vote qui devaient s’y trouver ?

En fin d’après-midi, la préfecture du Nord et la mairie de Mons, 23 000 habitants, se rejetaient la faute.

François Dubout, tête de liste des Ch’tis :

« C’est grave de ne pas pouvoir faire confiance aux instances de la République pour une chose si simple. Il se trouve que c’est ma liste qui a été pénalisée, mais si cela avait été une autre liste, je m’en serais autant indigné. Cela pose un véritable problème moral et démocratique. »


C’est Rachid Azrou, trésorier de la mosquée de Mons-en-Baroeul, qui a le premier sonné l’alerte :

« Vers 10 heures ce matin, je suis allé dans mon bureau de vote de quartier, et là, quelle surprise, pas de bulletin de la liste pour laquelle je comptais voter. »

Ami de longue date du bras droit de François Dubout, il lui a immédiatement téléphoné pour le prévenir. « Cela pose problème que ce soit un de nos amis qui nous prévienne et pas les gens de la mairie qui sont arrivés à huit heures sur les lieux et n’ont rien dit à personne », déplore François Dubout.

À midi, tous les bureaux avaient été approvisionnés. « Nous avons tout de suite mis à disposition de nouveaux bulletins tirés du stock supplémentaire que nous avons », explique la préfecture.

Préfecture contre ville de Mons-en-Baroeul

Reste à savoir pourquoi ces bulletins ne sont pas arrivés sur les tables et où sont passés les 10 000 bulletins qui se sont envolés. Préfecture et commune se rejettent les fautes. « Nous avons mis à la disposition des communes les bulletins de vote depuis mercredi dernier. Nulle part ailleurs il n’y a eu de problème », explique la préfecture.

De son côté, le maire de Mons, Rudy Elegeest estime « qu’il y a manifestement un problème de traçabilité et peut-être de fragilité dans les modalités de remises des bulletins aux services municipaux ».

Pour la liste ch’ti, les réponses ne sont pas seulement à chercher du côté de la logistique. Pour eux, Mons-en-Baroeul est un endroit stratégique : « On a trop de bons amis à Mons. » Ce qui, selon lui, aurait conduit de nombreux électeurs à voter pour sa liste.

Liste ch’ti : une campagne “à l’arrache”

François Coussemens est directeur de la communication de la liste Ch’tis.

Une première pour ce quadragénaire branché plus habitué au monde de l’événementiel qu’à celui de la politique. Il a accepté ce nouveau défi parce que François Dubout, la tête de liste, est un “ami proche”. Et pour cause, François Coussemens est l’agent artistique de “Nénesse”, nom de scène de François Dubout, comique à la ville.

Mission compliquée pour cette campagne lancée il y a à peine cinq semaines. Pas de QG, pas de directeur de campagne, ici « tout le monde se débrouille à l’arrache ».

Le conseil régional, pilier financier de la culture ?

Chaque année, le conseil régional attribue des subventions aux associations culturelles et aux salles de spectacles du Nord-Pas de Calais. Les projets et les publics sont différents, et les montants des subventions du conseil régional tentent de s’adapter à ces spécificités. Des événements voient le jour grâce aux subventions pendant que des salles déplorent un manque de suivi. Tour d’horizon.

Ivan Renar est sénateur communiste du Nord, ancien vice-président du conseil régional chargé de la Culture et vice-président de la Commission des affaires culturelles du Sénat. Il explique le processus et les critères d’attribution des subventions accordées par le conseil régional. Il pointe un problème de taille :

« Le problème, c’est l’ampleur du budget. On est dans une impasse une fois sur deux parce qu’il n’y a pas assez d’argent au conseil régional pour financer correctement toutes les structures. »



« L’intérêt public ». C’est ce qui a poussé des cafés-musique du Nord-Pas de Calais à fonder le Réseau Raoul en 1996. Depuis, la structure a fait du chemin. Elle regroupe 17 adhérents très différents : de l’Aéronef, salle lilloise de 2000 places au Baladin, estaminet et gîte de groupe situé à Torcy. Les adhérents sont tous autonomes financièrement. Le Réseau Raoul est une « plateforme de réflexion où s’effectue une mutualisation des compétences », explique François Jolivet, coordinateur du Réseau Raoul.

Des initiatives rendues possible grâce aux subventions régionales


Le Réseau Raoul a reçu 26 000 euros du conseil régional (pour un budget total de 55 000 euros). Cette manne financière a permis d’organiser des événements comme The Euro Regional Music Meeting (Termm) en novembre dernier. Une journée de réflexion entre professionnels du secteur qui a regroupé français, belges, danois, portugais, hongrois, croates, hollandais et espagnols.

Le Réseau Raoul mène d’autres activités avec l’argent du conseil régional : actions culturelles avec un public particulier (jeunes en difficulté, population carcérale…), accompagnement de groupes régionaux en début de carrière (La Jonction, Luminocolor, Yolk…), campagne de sensibilisation aux risques auditifs, formation des adhérents,…

Les grandes salles qui trustent les subventions au détriment des plus petites ? La comparaison est facile et un peu rapide. François Jolivet s’explique :

« Je ne veux pas créer de faux débat. Il est normal qu’un lieu qui peut accueillir 2000 personnes reçoive plus de subventions qu’un lieu qui ne peut en accueillir qu’une centaine. »

Les petites salles « incomprises »


Même son de cloche au Biplan, association culturelle créée en 1998 et qui combine un théâtre de 80 places et une salle pouvant accueillir 100 personnes. « Je n’en veux pas aux grosses structures parce qu’on n’a pas le même public. Nous sommes un laboratoire de musique et de théâtre », affirme André Denimal, président et directeur du Biplan.

Pourtant, André Denimal est amer. Il a reçu 8 000 euros du conseil régional (pour un budget d’environ 300 000 euros). Insuffisant, selon lui. Il reproche au conseil régional un « manque de vision dans l’avenir et un manque d’encouragement dans la politique de démocratisation de la culture (qu’il) mène ».

L’importance accordée à l’événementiel par le conseil régional irrite également le directeur du Biplan. « L’événementiel c’est bien, mais la pérennité d’un projet est aussi très importante. Le Biplan, c’est 300 concerts par an et près de 200 pièces de théâtre », détaille André Denimal.

Avec plus d’argent, André « dormirait mieux ». Il restaurerait les locaux, organiserait un festival et pérenniserait les emplois. Soixante bénévoles et quatre salariés (dont trois Contrats d’accompagnement dans l’emploi) travaillent au Biplan. « Une employée nous a quittés parce que je ne pouvais pas transformer son CAE en CDI, faute de moyens », déplore-t-il.

Les élections régionales ? André Denimal n’en attend rien : « En pleine campagne électorale, aucun politique n’est venu nous voir pour connaître notre projet ». Plus que des subventions, il réclame de l’attention. « Je ne me sens pas abandonné mais il y a un manque de compréhension entre nous et le conseil régional », insiste-t-il.

Marcel, son orchestre et sa campagne électorale

Marcel et son engagement politique, la suite !

Franck Vandecasteele, chanteur-leader de « Marcel et son orchestre », troque perruques et bas résilles pour un costume plus sérieux, celui d’homme politique. Il est inscrit sur la liste du Front de gauche d’Alain Bocquet. Histoire de son engagement politique, rapports avec le Parti Socialiste, il détaille sa jeune vie d’homme politique.

Marcel et son orchestre : un artiste en politique

Vingt-cinq ans de carrière, 400 000 disques vendus, le groupe « Marcel et son orchestre » est une institution de la région Nord-Pas de Calais. Le chanteur-leader Franck Vandecasteele est inscrit sur la liste du Front de Gauche d’Alain Bocquet. Position fragile de l’artiste engagé en politique, risque de se couper d’une partie de son public ? Il enlève ses chaussures et répond à nos questions.

dimanche 28 février 2010

Webradio : Latitudes 8.5



Bac à sable radiophonique des étudiants de la 85ème promotion de l'ESJ, "Latitudes 8.5" est une émission bi-mensuelle. Aujourd'hui c'est l'enfance qui est mise à l'honneur.
Bonne écoute..!!

tilidom.com

Comment la SNCF gagne de l'argent sur le dos des voyageurs



Modèle économique secret, opacité des tarifs, communication minimale,... Tous les moyens sont bons pour rentabiliser les lignes TGV, au détriment des usagers.

« Les tarifs SNCF, c'est un peu comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. » Dans le TGV Paris-Lille, Pierre, jeune actif, préfère en sourire. Il prend régulièrement le train du dimanche soir, à 18 h 58, mais ne paye jamais le même prix. « Je réserve mon billet sur Internet entre une et deux semaines à l'avance, avec ma carte 12/25. Aujourd'hui, j'ai eu un billet à 25,50 euros. Parfois c'est plus, parfois moins ».
Dans la voiture, on compte huit tarifs différents pour dix usagers. Julien, étudiant, a payé 19 euros grâce à sa carte 12/25. Contrairement à Pierre, il a acheté son billet au guichet et à la dernière minute. L'argument de la SNCF, « Plus vous réservez tôt, moins cher vous payez », en prend un coup. Les lignes à grande vitesse en France, c'est d'un côté, des millions d'usagers perdus - et perdants - dans le labyrinthe des tarifs. De l'autre, 900 millions d'euros de bénéfices pour le TGV en 2008. Le fruit de wagons d'astuces, tirés par la locomotive du rendement, qui laissent les voyageurs à quai.

Le yield management, locomotive d'une machine rentable
La France est le pays avec le meilleur taux de remplissage en Europe au niveau des grandes lignes (77 % en 2007). Le succès économique du TGV repose sur le yield management (management du rendement). Né dans la sphère de l'aviation, « le yield management permet de moduler le prix du siège suivant la période et l'horaire du voyage et le fait varier en temps réel en fonction de la demande », détaille la SNCF.
Mis en place depuis 1993, il succède au tarif kilométrique et optimise le taux de remplissage. En 2007, la SNCF passe à la vitesse supérieure : il faut maximiser le prix payé par chaque passager. Nouvelle politique et nouveau découpage. La SNCF crée trois catégories de prix : Prem's, Loisir et Pro.
Les tarifs Prem's, les moins onéreux, sont ni échangeables ni remboursables. La gamme Loisir s'adresse à des voyageurs occasionnels. Les billets de la gamme Pro, les plus chers, permettent de bénéficier de services en gare et à bord du train (échange, remboursement). Cette segmentation dessert l'usager : en 2008, « le prix moyen d'un billet de TGV est de 42 euros, soit 2 % de plus qu'en 2007 ».
Les tarifs sociaux et les cartes de réduction demeurent et l’usager ne s'y retrouve plus. Et pour cause, la SNCF cherche à brouiller les pistes.

Des wagons d'astuces
Premier wagon : on rend le système opaque. La SNCF a créé un service spécifique - et très discret - le Centre d'optimisation commerciale (COC). Cinquante ingénieurs statisticiens définissent à l'avance la répartition des places selon les trois catégories de prix. Une fois les billets mis en vente, ils suivent en temps réel l'évolution des réservations. Forte demande ? Le statisticien réduit le contingent de places Prem's. Faible demande ? Il augmente le nombre de places à petits prix. Le but est assumé : « faire de la SNCF une entreprise rentable en jouant sur les prix pour stimuler les ventes ».
Le Conseil d'Etat a été saisi en 1993 sur la compatibilité entre service public et yield management. Il a donné raison à la SNCF mais lui a demandé « de respecter l'obligation d'information du public, imposée par son cahier des charges ». Un rapport du député UMP Hervé Mariton (2008) rappelle la SNCF à son devoir de service public financé par les contribuables et souligne que « le consommateur a le droit de comprendre. » Le service communication de la SNCF rétorque : « ce qui intéresse les usagers, c'est de connaître approximativement le prix de leur billet, pas le fonctionnement complexe du COC ».

Hervé Mariton avance sept propositions, dont la mise en place d'un prix médian affiché au moment de l'achat, « impossible à mettre en place », selon la SNCF. « Au vu de la façon dont la SNCF présente ses tarifs, on ne sait jamais si on a obtenu le meilleur prix », regrette Jean Lenoir, de la Fédération nationale des usagers des transports (FNAUT).
Depuis, la SNCF a réagi. Elle a publié fin 2008 des guides voyageurs avec des fourchettes de tarifs. Mais elles sont larges : pour un Paris-Lille en seconde classe, le tarif loisir oscille entre 25 et 55 euros.

Deuxième wagon : on supprime des lignes. En 1993, une ligne TGV s'ajoute aux dessertes quotidiennes en train Corail entre Paris et Lille. Les usagers gagnent une heure mais paient plus cher (164 francs pour un Corail contre de 207 à 301 francs pour un TGV, soit une hausse de 26 à 80% - tarif niveau 1). En 2000, la ligne Corail disparaît. « Le maintien de deux offres en parallèle imposait de débloquer des fonds pour renouveler le matériel Corail », justifie la SNCF. Depuis 2007, les nouveaux tarifs SNCF tiennent compte de la concurrence des vols low-cost. L'entreprise a donc baissé ses prix sur les longs trajets, mais pas sur le Paris-Lille.

Troisième wagon : on retire des rames. Pour optimiser le taux de remplissage, la SNCF réduit le nombre de rames. Serge Poiraud, responsable CGT du Collectif technique exploitation, constate que « la SNCF est en sous capacité totale. Pire, le manque de rames en période de vacances oblige le voyageur à différer son départ ou à payer les plus hauts prix. »

Quatrième wagon : on étend les périodes de pointe. Pour Arnaud de Blauwe, rédacteur en chef adjoint de l'UFC Que Choisir, « les périodes de pointe grignotent peu à peu du terrain. Il s'agit d'une véritable hausse déguisée ». Jean Lenoir, de la FNAUT, va plus loin : « Entre 2007 et 2009, le nombre de TGV qui circulent en période de pointe a augmenté de 8 %. »

Cinquième wagon : on discrimine les usagers. Si Internet permet de constater en temps réel l'évolution des tarifs, son accès n'est pas universel. Il n'est pas possible pour tous de différer son départ pour des tarifs plus avantageux. Deux points qui amènent Hervé Mariton à évoquer une « prime à la débrouillardise ».

Sixième wagon : le surbooking. On vend une place « selon disponibilité » au prix de la place souhaitée. La SNCF mise sur l'absence de certains voyageurs au départ du train et vend plus de places que n'en contient une rame. Stéphane passe tout le trajet Paris-Lille debout, dans la voiture bar. Il a pourtant payé 33 euros avec sa carte 12-25. Et il s'emporte : « Il faut arrêter de prendre les gens pour des jambons ».

Il est un secteur où les prix sont fixes : les amendes. Dans le Paris-Lille de Pierre, Julien et Stéphane, le tarif de base est fixé à 55 euros, majoré de dix euros (25 euros si le fraudeur ne vient pas à la rencontre du contrôleur). De quoi nous « faire préférer le train ».

mardi 23 février 2010

Chat Roulette ou le paroxysme de la solitude


De « Chat roulette » tapé dans Google au grand plongeon dans ce nouveau bassin sans fond, une poignée de secondes. Trois clics. Accès au site, avertissement aux « personnes de moins de 16 ans », saut dans le vide. La webcam s'enclenche. Un visage mal rasé apparaît. Un visage qui porte encore les stigmates d'une soirée terminée un peu trop tard. Ou un peu trop tôt. Cernes creusées, bouche pâteuse, haleine douteuse, c'est bien moi.

Sur Chat Roulette, il faut se pomponner. La crédibilité se joue en une seconde, en une image. Alors il faut s'arranger, se recoiffer, se maquiller, se déguiser, s'habiller ou se déshabiller. Paraître, à défaut d'être.

Première pression un peu fébrile sur le bouton F9, sorte de gâchette de la Chat Roulette. La première d'une longue série. La bouton F9 permet de passer d'une webcam à l'autre, de se débarrasser d'un interlocuteur pour en trouver immédiatement un autre. Rencontres Kleenex.

Stranger n°1 :

Un groupe d'adolescent hilares. Trois garçons et une fille. A la vue de leurs visages, leur précédent « partner » a du les amuser. Ou tout du moins les marquer. Rire franc des trois garçons, expression plus réservée de la fille. Elle a la tête de quelqu'un qui rigole parce que les autres rigolent. Rire jaune. Le challenge est relevé. Il s'agit d'attirer leur attention. Pas si facile pour une première fois. Je lève la main, timidement. Mes interlocuteurs d'un moment se figent, me scrutent, m'observent. Ils semblent perplexes. Les mouvements sont saccadés. Les images floues. Magie de la webcam. Le sourcil en l'air, l'un d'eux parle. Il me montre du doigt et éclate de rire. On se fout de ma gueule. Royalement. Mon visage se ferme. La surprise et l'incompréhension s'emparent de mon visage. Et donc de mon image. F9. Next. Je n'ai pas du être assez original. Qu'à cela ne tienne, je me relance avec la volonté de marquer le coup. Lunettes de soleil, cheveux détachés. Le tout pour le tout. Au royaume du paraître, le ridicule ne tue pas. Il permet même parfois d'être roi.

Stranger n°2 :

Un phallus turgescent. Assez impressionnant. Modèle épilé. Quelques poils pubiens persistent. Ticket de métro version homme. So fashion...! Pour accompagner le tout, une main plus que baladeuse. La surprise doit se lire sur mon visage innocent. A la vue de mon regard poupon quelque peu impressionné par tant de spontanéité, le mouvement de poignet de mon palucheur confirmé se fait plus rapide. Cette fois, c'est moi qui appuie sur F9. Première fierté.

Stranger n°3 :

Un jeune homme. Il n'est pas nu. Sa webcam porte sur son visage et non sur une partie plus privée de son anatomie. Chapeau, clope au bec, il a l'air plutôt cool. Premier interlocuteur sérieux? J'ose y croire. On se jauge, on s'observe. Rite de la fierté masculine. Qui a la plus grosse? Après mon Stranger n°2, je ne veux pas le savoir. La discussion s'engage. « Hi! » (oui, le chat rouletteur est anglophone, of course..!). « I'm Rémi, from France, I'm writting an article on Chat Roulette. » L'intérêt de mon « partner » est palpable. Il se rapproche du clavier, l'air interloqué. Il lève les yeux au ciel, semble hésiter à me répondre. « Hi..! I'm Jeff, from Houston, Texas ». Ouf..! Il y a donc des personnes sensées ici. Et des Texans en plus...! Il vient sur Chat Roulette « to have fun » et surtout parce qu'il « s'emmerde », en français dans le texte. Oui, « Jeff from Houston, Texas » connaît un peu la France et ses bons mots. Je lui fait part de mon expérience mémorable de mon Stranger n°2. Les « bigs dicks », il connaît. Elles sont nombreuses à se balader sur Chat Roulette. Il n'a pas l'air d'y porter une grande attention. Ça serait presque normal dans cet univers étrange où voyeurisme et exhibitionnisme se retrouvent. Les filles? Elles sont rares, selon « Jeff from Houston, Texas ». Souvent accompagnées, timides, elles sont adeptes du F9 éclair. Rapidement; la conversation devient pauvre. De banalités en banalités, on frise le soporifisme. La main gauche tient lieu d'oreiller, la droite frappe sur les touches du clavier. Je laisse « Jeff from Houston, Texas » pour de nouvelles rencontres éphémères. F9. Grossière erreur.

Stranger n°4 :

Une femme. Jeune, plutôt jolie mais le regard un peu perdu. La frange à la mode. Le maquillage à la truelle à la mode. La pause lascive à la mode. Les ongles vernis à la mode. Le manque de charme à la mode. Une coupe de champagne trop chaud. Pas de bulles. Le pouvoir de l'image. Le sourire est crispé, forcé. Je tente d'engager la conversation. A peine a-t-elle remarqué que je tape sur mon clavier qu'elle me « next ». J'aurai du le faire avant elle.

Stranger n°5 :

Une autre femme. Beaucoup plus jolie. Déjà effeuillée, elle se dandine, fort joliment. Les bulles sont bien présentes. Il me faudra quelques secondes, quelques sourires dans le vide et quelques questions sans réponses pour me rendre compte que j'ai à faire à un film et non pas une fille en ligne. Déception chat roulettienne. F9.

Stranger n°6 :

Tiens, un autre phallus. Ça faisait longtemps. Celui là est plutôt rabougris. Les poils sont bien présents. A vue de nez, il doit avoir entre 35 et 50 ans. Notre astiquateur a l'air bien motivé mais son membre semble fatigué. On peut apercevoir une partie de l'appartement derrière le lit de notre phallus. Lumière allumé, il semble à l'aise. Pas peur d'être dérangé. La télévision branchée. Les portes ouvertes. Les rideaux sont tirés mais on peut voir le soleil qui perce. Il fait beau derrière notre phallus. Il a cependant préféré une ballade virtuelle sur internet à une ballade bien réelle dans un parc, autour d'un lac, sur une barque. Passer le temps en l'air plutôt que prendre l'air du temps. Pauvreté de la solitude. F9.

Envie de tenter l'expérience?

lundi 15 février 2010

Reportage : les jeunes et la cigarette


Envie de découvrir de nouvelles sensations, d'entrer dans le monde des adultes, de "faire comme les grands", les jeunes fument. Ils allument leur première clope à 13 ans, en moyenne. Rencontre avec des ados du lycée Notre Dame de la Paix, à Lille.

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Reportage : les politiciens en herbe de Wazemmes

Toutes les deux semaines, de jeunes élus de quartier se retrouvent. Encadré par une animatrice territoriale, le Conseil Municipal d'Enfants cherche des financements et organise des manifestations comme des opérations "Square propre" ou la projection d'un film en plein air. Ces (très) jeunes pousses de la politique ne connaissent pas de coup de pompe. Objectif : faire vivre le quartier.

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mercredi 10 février 2010

Reportages aux "Fauves Mondains"

Tourcoing, rue de Mouvaux. Une pharmacie, un coiffeur et pas une âme qui vive... Un quartier populaire comme le Nord en connaît beaucoup. Une boutique attire l'œil. Elle propose en vitrine des laisses pour chiens et chats à 80 euros. Rien que ça. Une boutique de luxe pour chiens et chats en temps de crise.? Et alors.? Bienvenue dans l'univers décalé et quelque peu dérangé de Stéphanie Lantoine.

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mardi 9 février 2010

RPL 99FM : radio locale sans locaux

Depuis 1982, la radio locale RPL (Radio Pacot Lambersart) émet sur toute la métropole lilloise. Un projet de rénovation du quartier du Pacot va être mené en 2011. L'immeuble qui abrite la radio locale va être détruit. RPL : Radio en Panne de Locaux.