Blog de la folie ordinaire



samedi 29 mai 2010

« En Turquie, le journalisme n'a plus de goût ».


Rusen Cakir est un ponte du journalisme turc. Diplômé du Lycée Galatasaray, il commence sa carrière à la revue Nokta. Après un passage à CNN Türk, il intègre la rédaction de NTV, première chaîne d'information, en juin 2007. Tous les jours à 11h10, il présente une émission politique avec Mirgün Cabas. Les deux journalistes décriptent l'actualité nationale et internationale. Il nous livre son avis sur l'état du journalisme et de la télévision en Turquie.


Le journalisme est-il complètement libre en Turquie ?


Il y a une grande richesse d’opinions en Turquie. Il y a des journalistes courageux. Mais la prudence reste de mise. L’auto censure dans les médias persiste. La télévision est liée au business et à la publicité. C’est difficile de trouver un titre ou une chaine qui n'est pas engagé. Il n’y a pratiquement que de la presse d’opinion en Turquie. Tout peut être dit. Mais dans des titres bien spécifiques.


Est il facile de critiquer le gouvernement a la télévision ?


Ca dépend des sujets. Pour les médias en général c’est difficle de critiquer les gouvernements. Pas seulement le gouvernement actuel. Les patrons de médias ont tous des affaires commerciales. Ils doivent être en contact avec le gouvernement. (NTV a été rachetée en 1999 par Doğuş Holding, entrprise turque présente dans différents secteurs comme la finance, la construction, le tourisme,... )Si vous êtes critique, il est difficile de décrocher des contrats. Les bons contacts avec le gouvernement sont donc bénéfiques pour les « affaires extérieures » des groupes de médias.


Est ce dangereux ?


Oui, bien sur! C’est difficile pour un journaliste turc d’être objectif et critique. C’est difficile mais pas impossible.


Existe-t-il encore des sujets tabous à la télévision turque ?


Il y en avait beaucoup. Mais au fur et à mesure que la Turquie s’est démocratisée, le nombre de tabou et leur poids ont diminué. Par exemple, on peut désormais parler de la question kurde. Chose impossible il y a quelques années. Il reste cependant des lignes rouges difficiles à franchir comme ce scandale de pédophilie à Siirt, dans le Sud-Est de la Turquie. Le gouvernement n’aime pas que les médias couvrent ce genre d’événement car c’est très choquant. Pendant deux ans personne n’en parlait et ça continuait.


Quel est votre avis sur l’avenir de votre métier ?


(Moue dubitative) Tout est fini. Il n’y a plus de journalisme en Turquie. Quand les jeunes viennent me demander des conseils, je leur conseille de ne pas devenir journaliste et de rester à l’université et de continuer les sciences sociales. Dans le journalisme, tout est au plus bas : les salaires, la crédibilité, les relations entre journalistes.


Pourquoi ?


A cause des patrons qui tiennent les groupes de médias, du manque de syndicats efficaces. Les facultés de journalisme ne fonctionnent pas très bien. Il n'y a pas de conscience d'être journaliste. En Turquie, le journalisme est un secteur qui grandit. Mais comme un légume dopé aux hormones, il grossit et n’a plus de goût.


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